Depuis presque 20 ans, tous les ans, la journée mondiale sans téléphone mobile revient en février. Destinée à prendre un peu de distance avec son portable et réfléchir à notre dépendance, cette privation se révèle parfois presque comique lorsqu’on l’applique à une journée classique de travail. Chez Bblog, on n’a cependant peur de rien, on s’est donc prêté à l’exercice…
5 février 2019
23h19 : Une journée sans mobile, ça se prépare ! En effet, depuis des années maintenant, mon téléphone fait office de réveil. Or demain, il restera bien planqué dans le vide-poche du couloir car c’est décidé, je suis prête à relever le défi….
- “Antoine ? Antoine ? T’as pas vu mon radio-réveil ?
- Ton quoi ?
- Mais tu sais, mon radio-réveil digital, celui avec les oreilles de chat sur les côtés. Un vestige de mon adolescence que j’utilisais encore quand on s’est rencontrés
- Euuuuh, Aaaah, oui je vois, cherche dans le placard de l’entrée…”
Une fois dépoussiéré, mon radio réveil a fière allure, même s’il faut reconnaître qu’il prend les ¾ de ma table de chevet. Allez, je le règle, France Info, 6h45. On est bon…
23h42 : Mais non, on n’est pas du tout bon ! Je commence ma journée par un rendez-vous dans Paris. Sans google map et l’accès à mon agenda, impossible de suivre mon itinéraire correctement. Où est l’imprimante ? Un plan de Paris, un plan de métro et mon agenda sur une feuille A4. La, ça y est, je pense qu’on est bon ! Bonne nuit..
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6 février 2019
6h45 : Je sursaute ! Plus très habituée à me faire réveiller par une pub pour la fibre entreprise. Où est le bouton stop ??!!! Généralement, je traine un peu au lit, m’assurant que mes followers insta ont bien liké ma dernière publication et que ma communauté LinkedIn n’a pas manqué de s’inscrire à mon prochain webinar. Ce matin, ni mail, ni message ne viendront perturber mon café….
8h00 : Je suis prête, et même peut-être en avance.
- “ Antoine ? Je file ! N’oublie pas que je n’ai pas mon portable. Préviens la nounou qu’il faut t’appeler toi si jamais elle a besoin.
8h05 : Je m’engouffre dans le métro. Direction Trocadéro ! Quelques minutes plus tard, je sors de la station en me rendant compte qu’une autre chose m’a échappée ce matin sans téléphone : la météo. Me voilà trempée, en manteau demi-saison, sans parapluie, ni bonnet…
8H30 : Mon brushing en a pris un coup mais je m’installe dignement au fond du café près du radiateur, espérant un séchage express !
8H45 : Mon rendez-vous n’est toujours pas là. Ces 15 minutes m’ont permis de récupérer une coupe de cheveux décente mais malheureusement pas de travailler. Sans mon partage de connexion sur mon ordi, et malgré mes requêtes au serveur pour obtenir un code wifi, impossible d’avancer sur ma To Do ce matin.
8h47 : Il est là…
- “Ouhou, je suis là
- Désolé de mon retard, tu as bien eu mes messages ? J’étais coincé dans les embouteillages
Et bien… non !
10H : Une réunion m’attend au bureau. J’ai 30 minutes et élimine l’option métro + bus qui me prendrait trop de temps. Oui mais… pas de téléphone, pas de Uber. Me voilà sur l’avenue, sous la pluie, tentant de héler un taxi qui m’ignore mais qui heureusement finit par me voir
10H03 :
- “Vous prenez la carte bleue ?
- Non, ma machine est cassée”
C’est parti, direction le distributeur, retour en vitesse.
10H45 : J’ai 45 minutes de retard sur mon planning. Je me faufile discrètement dans la salle du brainstorming qui a commencé sans moi. Ayant manqué le début, j’aurais bien pris une photo du paper board pour rattraper ce que j’ai raté. Pas de smartphone, je ressors la méthode d’ado
- “Dis, julie, tu m’envoies tes notes après la réu ? Par mail hein ? parce que j’ai pas de tel”
12h45 : Déjeuner avec quelques collaborateurs de mon équipe. Je dois dire que je me sens un peu seule au début. Cette pause est pour eux l’occasion de checker leurs notifications, de répondre à leurs groupes whatsapp, etc… Mais sentant qu’ils m’abandonnent à mon triste hachis parmentier, certains commencent à ranger leur smartphone et à engager la conversation. Le reste de la troupe suit. Se demandant comment j’ai fait pour tenir la matinée sans mon mobile, je sens chez eux une forme de curiosité, voire d’intérêt !
- “Nan mais allo, quoi ? Tu bosses chez Bouygues Telecom et t’as pas de portable ?
- Nan mais t’es sérieuse ? C’est comme si je te disais, t’es une fille et t’as pas de shampooing…
- Nan mais allo quoi, j’hallucine
Outre cette entrée en matière, ce constat impose finalement à nos échanges un caractère particulièrement intéressant. En effet, l’occasion nous est donnée d’aborder la dépendance et le phénomène d’addiction. De se poser quelques questions : Qu’est ce que la communication ? Comment se jouent les rapports humains aujourd’hui ? Comment aborder la notion de progrès ? Doit-on favoriser l’acculturation à ce nouveau monde ? Bref Nabila nous a quitté et Raphaël Enthoven s’est invité à la table.
15H43 : Malheur ! J’ai oublié de réserver un box pour ma prochaine réunion. Impossible de le faire sans mon smartphone. J’improvise une entrevue informelle à la cafèt’… Pas si mal en fait, changer de cadre nous permet une nouvelle complicité dans la gestion du projet. Je note que c’est à refaire…
18H45 : Ma journée de boulot prend fin. Une fois dans le métro, je sors mon livre dont je vais enfin pouvoir finir le dernier chapitre. Au bout de deux mois, il était temps !
20H00 : Je récupère ma fille, mon mari et enfin mon portable… Bilan : 9 appels en absence, 7 SMS, 14 notifications Whatsapp, 3 messages Instagram, 2 demandes de contact sur LinkedIn, des dizaines de mails dont j’ai déjà pris connaissance et le sentiment d’avoir vécu une expérience.
En effet, après un démarrage un peu difficile ou en tous cas inhabituel, ma journée sans portable a eu le mérite de bousculer un peu quelques certitudes. Même si le mobile reste aujourd’hui la pierre angulaire de mon business au quotidien, savoir s’en passer de temps en temps permet plusieurs choses : une meilleure concentration, des échanges plus profonds avec mes interlocuteurs, un cloisonnement plus solide entre vie perso et vie pro et dernier point non négligeable (hein Antoine?) une meilleure répartition des tâches familiales et de la “charge mentale” !
Et vous, vous avez relevé le défi ??