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Le tissu industriel français prend aujourd’hui le tournant de l’intelligence artificielle, multipliant les expérimentations et les déploiements de solutions à même de renforcer sa compétitivité. Organisée fin novembre par Bouygues Telecom Entreprises et Equans Digital, la journée Industry Day a été l’occasion pour plusieurs entreprises de livrer leurs retours d’expérience.

L’IA, un levier stratégique pour la productivité des entreprises

C’est un développement exponentiel. L’intelligence artificielle s’invite aujourd’hui au cœur des entreprises et apparaît comme une ressource stratégique pour nombre de décideurs.

Elle constitue ainsi l’enjeu n°1 pour 57 % des CEO français en 2024, contre 15 % en 2023, selon l’étude CEO Outlook de KPMG.

C’est le cas notamment dans le monde industriel où les « use case » bâtis autour de l’IA se multiplient afin de permettre aux organisations de gagner en productivité tout en relevant les multiples défis auxquels elles doivent faire face (concurrence internationale accrue, digitalisation des usages, transition écologique et changement climatique, tensions géopolitiques…).

La journée Industry Day a été l’occasion de montrer toute la diversité des usages que l’IA pouvait accompagner – « c’est une technologie pervasive, qu’on va retrouver partout dans ce qui sera l’industrie de demain », notait ainsi Jean-Marie Saint-Paul, directeur général de Siemens Digital Industries France. L’occasion, aussi, de confirmer que son déploiement constitue un enjeu majeur pour l’évolution de certaines organisations. « L’IA, c’est pour nous une question de survie », résumait pour sa part Sandrine Ledru, chief officer digital & SI chez OPmobility (anciennement Plastic Omnium), pointant les gains de productivité offerts par cette technologie pour rester compétitif à l’échelle internationale.

Voici quelques exemples d’applications de l’intelligence artificielle dans différents secteurs d’activité de l’industrie française.

Dans l’industrie agroalimentaire : déterminer le sexe des animaux d’élevage grâce à l’IA

L’identification du sexe des animaux (ou sexage) est une activité stratégique au sein d’un élevage. Une unité de poules pondeuses ne souhaitera ainsi se concentrer que sur les femelles. La filière palmipèdes ne gardera quant à elle que les canards mâles en élevage.
Grâce à l’intelligence artificielle, de nouvelles solutions sont aujourd’hui développées pour permettre un sexage rapide et de qualité. Une petite « révolution », estime le groupe coopératif Maïsadour.

Présent lors de l’Industry Day, le directeur de son pôle agricole, Jean-Louis Zwick, explique :

« Un robot de sexage que nous allons déployer en mars 2025 permet de trouver, in ovo (dans l’œuf), le sexe de l’animal dès son 9e jour. » Cette solution, développée en lien avec Equans, repose sur une analyse de la couleur de l’œil.

Elle permettra de détruire les œufs de canards femelles avant même l’éclosion. « Cela s’inscrit dans une démarche de bientraitance animale, poursuit Jean-Louis Zwick. Nous serons ainsi en conformité avec une réglementation européenne à venir, qui va interdire la naissance d’animaux n’ayant pas vocation à être utilisés à des fins de consommation », poursuit-il.

Le sexage assisté par IA peut également s’appliquer au sein d’entreprises ayant une population de poussins amenés à devenir des poulets reproducteurs. L’introduction de l’intelligence artificielle dans les process permet une analyse automatisée des volailles, via une caméra, la machine s’appuyant sur sa base de données pour déterminer s’il s’agit de mâles ou de femelles. De telles solutions intéressent même des industriels au-delà des filières d’élevage de volatils. C’est le cas du groupe Aqualande, spécialiste de l’aquaculture, qui a souhaité développer un projet autour du sexage des truites assisté par IA.

Chez Air Liquide, accompagner les équipes face aux changements opérationnels

La gestion opérationnelle du groupe Air Liquide, spécialiste des gaz industriels, doit faire preuve d’une flexibilité croissante, ainsi que l’explique Fabien Mangeant, chief data & AI officer : « Nous intégrons le fait que l’énergie va être de plus en plus renouvelable, donc de plus en plus intermittente, indique-t-il. De même, nos clients vont également avoir des demandes plus irrégulières. Enfin, nos process industriels évoluent eux aussi : nous utilisons des procédés chimiques qui sont complétés aujourd’hui par des électrolyseurs ». De quoi permettre de gagner en flexibilité, en performance tout en renforçant le travail de décarbonation.

Autant d’évolutions majeures qui impliquent la mise en place de « nouvelles lois de fonctionnement » et, avec elles, un accompagnement des équipes.

Pour ce faire, « nous développons des solutions s’appuyant sur l’intelligence artificielle et l’usage des data », indique Fabien Mangeant. Des solutions émergentes, qui devront favoriser l’accès à l’information, tout particulièrement pour les salariés des centres opérationnels déportés et les collaborateurs en charge de la maintenance des usines.

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« Les équipes pourront bénéficier d’une assistance via des chatbots, aujourd’hui en test. Ils leur fourniront des données contextuelles sur « l’état de santé de l’usine », et les orienteront vers les opérations de maintenance à effectuer. Une évolution qui implique, pour Fabien Mangeant, la mise en place d’une IA de confiance en direction des opérateurs (qualité des algorithmes, données pertinentes transmises au bon moment…).

Dans l’industrie automobile, réduire les temps de développement

En pleine mutation, l’industrie automobile souhaite, elle aussi, s’appuyer sur l’IA. « Nous devons en particulier parvenir à accélérer notre temps de développement », note Sandrine Ledru, chief officer digital & SI chez OPmobility.

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Tesla est aujourd’hui capable de concevoir un nouveau véhicule sur le plan du design en un an et demi à deux ans, là où des constructeurs français pourront mettre trois à quatre ans.

Les concurrents chinois agissent, eux aussi, avec beaucoup de rapidité « grâce à un modèle très intégré », explique-t-elle. Tout l’enjeu est donc de s’appuyer sur l’IA pour compresser le temps nécessaire pour atteindre la production industrielle d’une pièce.

Cette assistance au design et à la conception représente l’un des usages parmi les plus prometteurs de l’IA en milieu industriel. Celle-ci peut ainsi générer automatiquement des design originaux, loin des standards habituels, prenant en compte de nombreuses data sur les tendances du marché, les aspects techniques, les préférence des consommateurs… Des secteurs comme la science des matériaux s’en sont d’ores et déjà emparés. Une IA qui permettra dans le même temps d’accompagner les équipementiers automobiles dans les nouveaux défis qu’ils doivent relever – en particulier concernant la performance énergétique des pièces réalisées.

Autre atout de l’IA : elle permet, grâce à des jumeaux numériques, de tester des équipements novateurs sans qu’il soit nécessaire de multiplier les expérimentations en conditions réelles. « Nous développons pour l’industrie ferroviaire des réservoirs à hydrogène qui doivent résister à de fortes pressions, explique Sandrine Ledru. Or les laboratoires capables de les tester sont peu nombreux et de telles évaluations coûtent cher et prennent du temps. » L’entreprise s’est donc tournée vers des jumeaux numériques alimentés par l’IA. Ils permettent de réaliser de nombreuses expérimentations et de s’assurer de la fiabilité de la solution.

L’Industry Day a mis en lumière l’avancée rapide de l’IA au sein de l’écosystème industriel français. Une progression qui implique, pour être optimale, d’engager une réelle collaboration entre les nouvelles solutions d’IA et les intelligences humaines de l’entreprise – ce qui constitue l’essence même de l’industrie 5.0. L’un des enjeux majeurs pour les organisations dans les années qui viennent sera donc, comme le note Jean-Marie Saint-Paul, de « trouver l’équilibre entre l’homme et la machine ».

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